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Plaidoyer pour une alliance africaine contre le terrorisme

Quand des jeunes Africains massacrent d’autres jeunes Africains, la réponse au terrorisme ne peut pas être seulement dans l’action militaire. La tentation de l’indifférence comme la simple répression armée contre des jeunes embrigadés sont inefficaces. En effet, le terroriste, qui ne craint point la mort, n’est pas un criminel classique. Pour le combattre, il faut d’abord le comprendre dans ses mécanismes et son idéologie, car il faut aussi le combattre sur le terrain des idées.

Photos des victimes de Garissa

L’attaque terroriste perpétrée par trois jeunes shebabs somaliens contre des étudiants du campus de Garissa ne relève ni de la criminalité ordinaire ni de la guerre et charrie une forte puissance idéologique. Pour une raison fondamentale : le rapport que les terroristes entretiennent avec la mort. Dans la criminalité classique, même s’il l’envisage comme possible, le criminel craint la mort. Ainsi, le voleur entend jouir des biens soustraits, l’assassin vivre délesté de son contemporain haï. Pareil pour le militaire, qui, même s’il est prêt à donner la mort autant qu’à la recevoir, la craint et il s’y prépare sans l’espérer. Dans ces cas, la mort n’est en rien une option positive. L’idéologie terroriste quant à elle tend à faire disparaître cette crainte de la mort qui est regardée comme une naissance et comme le moyen d’accéder à une forme d’éternité. Ce faisant, les terroristes tournent le dos à la modernité politique de notre ère. En s’en prenant à une université, un sanctuaire du savoir, ces individus tentent de réduire au silence notre esprit critique, celui qui veut que par l’éducation, nous nous élevions à ce stade qui permet à notre intelligence de distinguer le blé de l’ivraie, la vérité du mensonge.

C’est pourquoi notre condamnation doit être plus forte que jamais. Pour revendiquer ce droit à être libre et de penser librement nos choix. L’un des terreaux sur lequel grandissent ses groupes criminels, c’est bien celui de l’obscurantisme auquel nous devons opposer l’audace de notre esprit critique et la promesse d’un livre à nos enfants. Il est vrai que ce n’est pas la première fois dans l’histoire que l’obscurantisme et la violence tentent d’imposer leur vision : anarchisme, fascisme, nazisme, communismes révolutionnaires se sont construits sur la peur. Aujourd’hui, le terrorisme qui se réclame faussement de l’islam apparaît comme une menace majeure, surtout pour les États africains, traditionnellement en proie à toutes sortes de crises.

Il n’y a certainement rien de plus dangereux qu’un jeune à qui l’on dénie toute valeur

Les guerres de religion des XVIe et XVIIe siècles en Europe ont été alimentées par deux promesses : celle de la rémission des péchés en cas de mort héroïque contre l’impie. Cette promesse posait ainsi le principe d’un certain avantage à mourir et celui du caractère intrinsèquement juste du fait de tuer un impie, soit une certaine considération à tuer. Ces deux convictions des « dévots » catholiques ou réformistes, qui ont ensanglanté l’Europe pendant un siècle, ont été progressivement mises en doute au fil des années. D’une certaine façon, c’est cette remise en cause du martyrisme et du meurtre qui a préposé à la construction de l’État moderne tel que nous le connaissons, c’est-à-dire un espace de paix et de tolérance. Depuis lors trois nouvelles promesses sont nées.

La première consiste à dire que l’État ne remet pas les péchés. Dès lors, il n’y a aucun avantage à mourir. Mourir pour un homme politique ou un faux calife qui qu’il soit relève de la pure stupidité. Lutter contre le terrorisme, politique comme « islamiste » reviendrait ici à déconstruire le discours selon lequel mourir peut être un acte héroïque. Ce combat doit être mené aussi bien par l’Etat que par la société civile, notamment les religieux, si l’on veut éviter que se développent des tentations du citoyen ennemi.

La seconde affirme que désormais l’État punit les criminels. Dès lors, il n’y a donc tout à craindre à tuer quiconque et quelles qu’en soient les raisons. La justification de l’état de droit se trouve là, c’est-à-dire la garantie du parfait équilibre des balances de la justice pour tous, victime comme bourreau.

La troisième, enfin, énonce que l’ État a monopole de l’usage de la force pour mater les délinquants (droit pénal interne) et pour vaincre l’ennemi (droit international des conflits armés). La réponse ici ne saurait être purement nationale. Dans un espace ouest-africain notamment où les frontières n’existent que sur le papier, la réponse doit être communautaire, tant dans le renseignement que dans l’action militaire. L’exemple de la coalition Tchad-Cameroun-Niger le démontre suffisamment. Ils ont été nombreux les Africains à critiquer la réaction peut intéressée de la communauté occidentale qui a suivi Garissa. Un lourd bilan de 147 étudiants tués. Notre indignation doit cependant être plus forte face à la torpeur des Etats africains devant ce massacre. À la vérité, la vie d’un jeune Occidental vaut plus aux yeux des dirigeants des Etats occidentaux. La vie d’un jeune Africain leur importe autant que cela importe aux yeux de nos propres Etats. Presque rien. Avec l’idéologie terroriste, il n’y a certainement rien de plus dangereux qu’un jeune à qui l’on dénie toute valeur.

Les actes criminels de quelques individus ne devraient jamais être revêtus du sceau de la religion

En somme, ces trois promesses modernes font de l’état de droit notre protection contre la terreur, la guerre et le crime international : la citoyenneté, la justice et la solidarité, le tout sur un fond de déconstruction des discours extrémistes. Le terrorisme est une idéologie violente. Ces terroristes n’ont rien à voir avec l’islam. Ce ne sont donc pas des « islamistes » ni « djihadistes », pas plus que des fondamentalistes chrétiens ne devraient être rattachés au christianisme. Car dans les deux cas, les actes criminels de quelques individus ne devraient jamais être revêtus du sceau de la religion, au risque de légitimer leur idéologie destructrice, notamment dans les esprits de leurs recrues. La terminologie à appliquer à ces bandits doit être sans équivoque : ce sont des criminels, des terroristes, des extrémistes violents. Cette construction intellectuelle et terminologique est importante dans la bataille notamment médiatique et idéologique.

Nous rejetons l’idée que ces sectateurs soient tous des déments, des faibles d’esprit ou des enfants perdus. Notre appel vise dès maintenant à nous mettre alerte. Aucun pays n’est à l’abri. La Côte d’Ivoire n’est pas plus à l’abri que tous les pays qui nous entourent et qui sont en guerre contre la terreur. Nous devons travailler sur cette idéologie violente et la combattre sur le terrain des idées aussi. Les batailles seront de toutes sortes, longues et coûteuses. La première d’entre elles serait de redonner davantage de contenu positif à la concitoyenneté. Redonner à la jeunesse désœuvrée et perdue, des repères et des raisons de croire en l’avenir, qu’ils soient tous citoyens avec les mêmes chances et le même respect pour leur pays. Cela ne suppose pas seulement du bien-être matériel, mais de se féliciter à chaque instant de pouvoir vivre avec nos familles et tous ceux que l’on aime, dans un monde de liberté, de démocratie et où la République protège chacun.

Puisse Dieu nous accorder la sagesse et le discernement nécessaires pour vivre avec Lui, et parmi les Hommes.


Côte d’Ivoire : pourquoi le prix des médicaments augmentent?

Ces dernières semaines, plusieurs journaux ivoiriens ont relayé l’information selon laquelle les prix des médicaments dans les officines pharmaceutiques seraient en hausse. Dans une enquête du journal Soir Info, on apprend que  l’ampoule de l’amikacine est passée de 2960 francs à 3500 francs Cfa dans plusieurs pharmacies visitées dans la capitale économique, à San Pedro et Bondoukou. Le métronidazole injection n’est plus vendue à 1080 francs Cfa, l’unité. Elle est désormais offerte dans plusieurs pharmacies entre 1100 francs et 2000 francs.  Depuis, les spéculations sont nombreuses et tentent d’expliquer cette hausse. Pour  éclairer la lanterne de chacun, je vous propose au moins trois raisons qui peuvent expliquer la cherté des médicaments en général.

Raison 1 : Webb Fontaine

Webb Fontaine

C’est le 6 Mars 2013 que l’État ivoirien a, comme on peut le lire sur le site de la compagnie suisse, « désigné » Webb Fontaine pour gérer le guichet unique du commerce extérieur de la Côte d’Ivoire. Par « désigné » il faut comprendre que ce marché de plusieurs milliards de F Cfa a été octroyé au gré à gré, sans appel d’offre donc, à Webb Fontaine, accessoirement dirigé par un certain Benedict Senger, lui même accessoirement gendre du Chef de l’État, Alassane Ouattara. Mais bon, c’est peut être juste une coïncidence. Voila le décor. Une fois installé, Webb Fontaine au bout de six mois, décide de faire passer le prix de traitement des conteneurs de médicaments dans les Ports  de 120.000 fcfa par conteneur à 1.500.000 fcfa désormais. Ainsi, les principaux grossistes ivoiriens que sont Laborex, Copharmed et Dpci sont obligés de répercuter cette hausse fulgurante sur leurs prix. Résultat : les prix flambent!

Raison 2 : Eurimex Pharma

Les trois principaux grossistes que sont Laborex, Copharmed et Dpci  qui bénéficient eux même d’un monopole sur l’exportation des médicaments en Côte d’Ivoire ( ils ne sont donc pas totalement innocents dans l’affaire ) s’approvisionnent eux auprès d’Eurimex Pharma. Eurimex Pharma n’est pas un laboratoire médical. Non. Eurimex Pharma c’est juste une entreprise de stockage de médicaments.  Comment ça marche? Eh bien, Eurimex Pharma signent des contrats d’achat de médicaments avec 600 laboratoires dans le monde, essentiellement en Asie et en Europe. Eurimex Pharma, stocke ensuite ces médicaments dans ses entrepôts, en attendant que Laborex, Copharmed et Dpci  viennent les acheter avec elle.  La question qu’on se pose tout de suite c’est : pourquoi Laborex, Copharmed et Dpci n’achètent pas directement les médicaments auprès des laboratoires Asiatiques et Européens? Ou alors, pourquoi la Pharmacie de la Santé Publique Ivoirienne n’en fait pas autant ? Pourquoi dans toute la chaîne, tout le monde préfère s’en remettre au grand frère Eurimex Pharma.

Sur l’illustration ci dessous, on peut voir les flux imports et exports du groupe Eurimex Pharma.  Le constat est sans appel : une seule flèche indique les importations, essentiellement d’Asie plus particulièrement d’Inde. Par contre, pour que qui est des exportations, il apparaît qu’ Eurimex Pharma est le distributeur exclusif de plusieurs pays africains dont le Bénin, le Burkina Faso, le Cameroun, le Gabon, le Mali, le Sénégal, le Niger et …la Côte d’Ivoire.

La principale conséquence est que tout au long de cette chaîne, Eurimex Pharma ajoute ses marges sur les prix des médicaments qu’elles entreposent. De fait, ces médicaments reviennent un peu plus chers au grossistes Ivoiriens, qui a leur tour y ajouteront leurs marges. Quand elles revendent ces médicaments aux officines pharmaceutiques, elles aussi rajoutent leurs marges. Au final, c’est le consommateur qui paie la facture pendant que l’État continue d’accorder un monopole aux trois grossistes Laborex, Copharmed et Dpci et qu’eux à leur tour continuent de traiter avec Eurimex Pharma contribuant ainsi à consolider le monopole de cette dernière.  Bref, de monopole en monopole, les prix grimpent.

Réseau de distribution d'Eurimex Pharma
Réseau de distribution d’Eurimex Pharma

 

Raison 3 : l’administration des prix des médicaments par l’Etat

Raymonde-Goudou-COFFIE, Ministre de la Santé
Raymonde-Goudou-COFFIE, Ministre de la Santé

En matière de commerce des produits pharmaceutique il n’y a pas la libre concurrence comme nous l’avons démontrés dans les deux points précédents.  Pour boucler la boucle dans cette chaîne de monopole et d’étatisme, c’est l’ État de Côte d’Ivoire qui fixe les prix de vente des médicaments, comme il le fait d’ailleurs pour le café et le cacao.

C’est la Direction de la Pharmacie et du Médicament qui se charge de l’affaire. Elle réceptionne les dossiers des grossistes (Laborex, Copharmed et Dpci) , dossiers dans lequel ceux la indiquent le prix hors taxe auquel ils achètent à leur fournisseur (Eurimex Pharma). Or, à ce niveau le fournisseur Eurimex a déjà ajouté sa marge. L’ État apprécie ensuite ce prix et après y avoir ajouté sa marge (impôts et autres taxes) fixe un prix homologué qu’il impose aux grossistes puis aux pharmacies . Sauf que le prix homologué par l’ État ne tient pas compte de la marge des grossistes et des pharmacies. Ainsi, ces derniers, en sus du prix homologués par l’ État, ajoutent quand même leur marge pour tenir compte de l’augmentation des tarifs de Webb Fontaine qui sont passés de 120.000 fca à 1.500.000 fca par conteneur. Au final, le prix homologué fixé par l’ État n’est respecté par personne. Ce qui expliquent que les prix des produits pharmaceutiques varient d’une pharmacie à l’autre. 

Que faire?

Mettre fin aux monopoles! Les monopoles de Laborex, Copharmed et Dpci doivent cesser. L’ État devrait ouvrir le marché de l’importation à d’autres entreprises pour permettre la libre concurrence dans le domaine. Plus il y aura d’importateurs, plus les fournisseurs se diversifieront. La fin de ce premier monopole permettra de mettre fin au second, celui d’Eurimex Pharma. Ouvrir le marché des médicaments permettra aux nouveaux acteurs de s’approvisionner directement après des laboratoires Européens ou Indiens sans passer par la case Eurimex. Le coût de revient s’en trouvera diminuer, et les prix dans les officines iront également à la baisse. Enfin, L’ État doit clarifier la situation de Webb Fontaine. Le gré à gré dont bénéficie cette entreprise a conduit à une augmentation drastique des prix de traitement des conteneurs à médicaments dans les ports. Là encore, il faudra mettre fin à ce gré à gré, rouvrir le marché de la gestion des terminaux portuaires pour pouvoir confronter l’offre de Webb Fontaine à celle d’autres opérateurs.


Pourquoi pardonner ?

« Il existe une loi implacable.Quand on nous inflige une blessure, nous ne pouvons en guérir que par le pardon »Alan Paton

Emplacement de fosses communes
Pour aider à la réflexion sur le pardon, je vous propose la lecture de ce livre écrit par Johann Christoph Arnold qui rassemble des histoires vraies de rescapés du génocide rwandais de 1994 et qui livre ici dans une profondeur déroutante le cheminement sur cette difficile voie du pardon. Ce livre nous montre comment le pardon peut radicalement transformer à travers les expériences de personnes qui ont pardonné malgré des abîmes insondables de souffrances et en dépit d’un climat qui porte à la vengeance. Plutôt que de se lancer dans de longues recherches théologiques, l’auteur laisse parler ses sujets. Chaque histoire nous rappelle que pardonner n’est ni excuser ni anesthésier en soi la souffrance de vivre et d’aimer, mais plutôt revenir à la vraie vie. Par les expériences de personnes qui, à travers d’indicibles souffrances, se sont efforcés de faire la paix avec leurs bourreaux. Pourquoi pardonner nous montre à la fois le pire et le meilleur dans l’homme. Si nous n’acceptons pas la sagesse de ces histoires, nous participons à notre propre enfermement.

Lire et Téléchargez le livre ici : Pourquoi pardonner?


#Cacao : l’Etat de Côte d’Ivoire vole l’argent des paysans

Il parait que le succès de ce pays repose sur l’agriculture. Cependant aucune couche de la population ivoirienne n’a jamais été aussi pauvre que les paysans. Depuis toujours dans notre pays, c’est l’Etat nounou, celui qui sait mieux que nous même ce qui est bon pour nous, qui fixe le prix de commercialisation du cacao. Pour la campagne intermédiaire qui s’ouvre le premier avril prochain, le gouvernement à décidé de fixer généreusement le prix soit fixé à 750 francs cfa. Or, le cours du cacao à la bourse de Londres pour les contrats de mai 2014 est de 1.478 francs cfa par kilogramme. Soit un gap de 728 cfa. Soit. L’Etat décide ensuite de la répartition des revenus de la commercialisation du cacao. Pour ce faire l’État nounou s’accorde à lui-même 22% des recettes, 60 % aux producteurs et 18% pour les exportateurs. Qu’elle générosité de la part de l’Etat nounou! 22% pour lui tout seul, lui qui n’est ni producteur ni exportateur!

Qu'elle générosité de la part de l'Etat nounou! 22% pour lui tout seul, lui qui n'est ni producteur ni exportateur!
Qu’elle générosité de la part de l’Etat nounou! 22% pour lui tout seul, lui qui n’est ni producteur ni exportateur!

Mais un petit calcul permet de se rendre compte que l’Etat vole les paysans. En effet, 60% de 1.478 francs cfa font 908 francs cfa et non les 750 francs cfa payé aux paysans. Résultat l’Etat nounou, vole au paysans 158 francs cfa par kilogramme de cacao. Ce fait en rélaité que l’Etat nounou s’en sort avec non seulement 22% des recettes (325 fcfa), mais aussi les 158 cfa volés aux paysans, soit au total 483 francs cfa.

En résumé, l’Etat nounou qui ne fait rien pour les paysans et qui ne connait pas leurs coûts de production décide lui, combien eux les paysans doivent être rémunéré pour leur travail. A t-on jamais vu Barack Obama fixé le prix des Iphones? Ou alors Angela Merkel fixé le prix de voitures Mercedes-Benz? Non! Comment se fait-il alors que la Côte d’Ivoire qu’on dit en voie d’émergence, ce soit le gouvernement qui dise aux paysans à quels prix vendre leur cacao?

L’Etat de Côte d’Ivoire devrait laissé aux paysans la liberté de fixer eux même le prix de commercialisation de leur produit en fonction des fluctuations du marché international. Les paysans n’ont pas besoin de l’Etat qui n’a d’ailleurs jamais rien pour eux. Tout ce qu’il leur faut c’est plus de liberté, avoir les titres fonciers de leurs terres et créer ainsi leur conditions de leur propre épanouissement. Jamais aucun développement n’a pu se faire sans reconnaissance des droits de propriété.

La Côte d’Ivoire qui rêve d’émergence a là un défi majeur à relever. La réforme du foncier en Côte d’Ivoire nécessite non seulement la reconnaissance des droits de propriété des populations mais aussi la reconnaissance de leurs institutions foncières. Au final, c’est juste la liberté qui nous manque.


L’émergence pour les Nuls : recette 1

« La Côte d’Ivoire émergente en 2020 ? Cela est impossible, comme il est impossible pour un chat de traverser à la nage la lagune entre Locodjro et Blokosso ». Mamadou Koulibaly, président de Lider.

Le dernier concept à la mode en Afrique est l’émergence. Les gouvernants, qui ont tous, les uns après les autres, échoué à tenir leurs creuses promesses électorales et à améliorer les conditions de vie de leur peuple, tentent de se maintenir au pouvoir en leur faisant miroiter la perspective d’une éventuelle «émergence». Malheureusement, les populations n’ont aucune chance de sortir de la pauvreté tant que ceux qui les gouvernent ne procèdent pas à certaines réformes indispensables, qu’aucun d’entre eux ne semble prêt à faire.

Pour qu’un pays soit dit émergent, il faut qu’il opte clairement pour l’économie de marché et qu’il instaure des marchés émergents de capitaux libres. Réussir de telles avancées ne peut se faire sans difficultés et les défis à relever sont multiples. Mais les perspectives de progrès devraient permettre de relever le challenge. A suivre les 7 recettes de l’émergence.

Recette 1 : rompre avec l’aide publique

Il n’est pas facile de tourner le dos aux politiques traditionnelles de célébration de l’aide publique au développement (Apd) et de l’assistance bilatérale et multilatérale, surtout quand, au fil des années, des réseaux, des intérêts, des connivences inavouables, de la dépendance, des privilèges injustifiés, de la corruption et des passe-droits se sont ancrés comme mauvaises pratiques. Et pourtant, toutes les économies à marchés émergents privilégient l’investissement privé à l’aide publique au développement, qui place les pays qui en bénéficient sous contrôle étranger. Au lieu de cela, en Afrique dite francophone, les gouvernants s’appliquent tous à obtenir le statut de pays pauvres très endettés, oubliant trop volontiers qu’aucun pays émergent n’est jamais passé par la case Ppte.

Aucun pays émergent n’est jamais passé par la case Ppte.
Aucun pays émergent n’est jamais passé par la case Ppte.


Votre argent est-il en sécurité chez Orange Money?

Les arnaques via le mobile sont devenues très courantes ces derniers temps. J’ai encore en souvenir, il y a quelques semaines, un agent d’Orange qui me disait d’être beaucoup plus prudent et de ne jamais communiquer mon mot de passe avant d’ajouter que Orange n’appelait JAMAIS ses clients pour leur annoncer de quelconques gains.

Alors quand ce matin du 20 Février à 12 heures 36 minutes  je reçois un message pour le moins suspect sur mon numéro orange,  je sais tout de suite à qui j’ai affaire. Le message provient du numéro 47 73 08 15 et est libellé comme suit : « Orange ci : cher client votre numéro gagne des lots et bonus pour plus d’info  contacter l’agent commercial au 49 24 06 27 ».  Ce qui frappe tout de suite, c’est le style du message lui-même. Une seule phrase, sans aucune ponctuation. Trop facile, ils auraient pu s’appliquer au moins.

Pour satisfaire mon appétit, je décide d’appeler le numéro du supposé agent commercial. Avant de lancer l’appel je prends le soin d’activer la fonction enregistrement de l’appel sur mon téléphone. Au bout du fil, le supposé agent commercial de Orange prétend se nommer Traoré.  En bon acteur je lui dis que je suis Monsieur Bakayoko (c’est le premier nom qui m’est venu en tête sur le coup) et que j’appelle de Yopougon parce que j’ai reçu un sms me disant que j’avais gagné un lot. Très calmement Traoré m’explique qu’il est bien agent commercial d’Orange au Plateau et que la compagnie m’offre gracieusement un crédit de communication de 50.000 F, un téléphone portable promotionnel et un T-shirt.  S’en suit la conversation suivante :

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Monsieur Traoré me demande si j’ai un compte Orange Money. Je réponds oui et au moment de lui donner le numéro Orange Money la communication s’interrompt. Bien évidemment je lui donne un numéro orange que je n’utilise pas et qui n’est donc pas connecté depuis près d’un an. Je rappel et la conversation continue. Il me demande alors quelle somme exacte  j’ai sur mon compte. Pour corser un peu la chose et aiguiser son appétit je réponds environs 90.000 F. Après avoir hésité quelques secondes, Traoré continu sa manœuvre. La suite de la conversation :

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En somme, Traoré il me demande de composer le code suivant : #144*1*59886763*0089955*code secret orange money# et de lancer l’appel.  Il me demande : qu’est ce qui s’affiche maintenant ? Il s’attendait alors à ce que je lui dise : la somme de 90.000 a été transférer sur le son numéro qui devait recevoir le transfert (59886763). Malheureusement pour Traoré, je lui annonce que rien ne s’affiche et que je sais qu’il est un arnaqueur. A ce moment là il interrompt la communication. Le numéro sera à partir de ce moment indisponible. Il est démasqué.

Orange Côte d’Ivoire devrait peut être nous expliquer à quoi correspond ce code parce que s’il est aussi facile de vider un compte Orange Money, c’est dire que leur système de sécurité est d’une vulnérabilité naïve.

J’ai tenu a faire cet enregistrement non seulement pour attirer l’attention du public sur cette pratique qui prend de l’ampleur, mais aussi pour inciter les opérateurs de téléphonie mobile à mener plus d’actions de sensibilisation auprès de leurs clients.  Qui sait combien de clients se font escroquer de cette façon tous les jours. La vie change avec Orange dit-on. De toute évidence l’escroquerie aussi, si notre argent n’est plus en sécurité chez eux.

Cadeau pour Orange, je laisse les numéros de téléphone impliqués dans cette arnaque : Le numéro duquel le premier sms provenait : 47 73 08 15,  celui de Traoré, le faux agent commercial : 49 24 06 27 et celui qui était sensé recevoir l’argent :59886763 . Si l’identification des abonnés voulu par le gouvernement est aussi efficace qu’on  l’a présentée, Orange Côte d’Ivoire ne devrait avoir aucun mal à localiser ces numéros et identifier les individus qui les utilisent à des fins d’escroquerie. Mais ça, c’est une autre histoire…


Les rêves d’or de la Côte d’Ivoire

La nouvelle mine d’or de Côte d’Ivoire à #Agbaou devrait produire trois tonnes du métal précieux cette année pour un chiffre d’affaire estimé à 116 millions de dollars en 2014 pour l’entreprise canadienne #Endeavour dont l’Etat ivoirien détient 15% du capital. De prime abord on pourrait se réjouir de cette nouvelle. Cette nouvelle mine attirera selon les autorités 122 millions d’euros d’investissement. On ne peut cependant s’empêcher d’être déçu quand c’est encore l’Etat qui contracte avec ces investisseurs. Pourquoi? Parce que dans notre pays, la terre (et tout ce qui se trouve dans le sous sol) appartient à l’Etat. En termes simples, cela signifie que si dans votre village, sur une parcelle qui appartient (ou plutôt détenue) à votre famille depuis des générations, l’on venait à découvrir un filon d’or, de diamant ou de un gisement de pétrole, vous et votre famille seraient immédiatement expulsés de vos terres. Vous verriez l’armé débarquée et vous enjoindre de quitter les lieux qui auront été déclarés comme propriété de l’Etat. En fait, vous serez exproprié. Avec un peu se chance on vous recasera à des centaines de kilomètres plus loin. Pour gérer ce qui sera alors devenue votre ancienne terre, le Président créera une société d’état de gestion de la mine découverte sur votre terre. Il nommera un Directeur Général, puis son adjoint, puis ses conseillers, bref une administration pléthorique et budgétivore comme on sait si bien le faire. Cette société signera des partenariats avec des compagnies occidentales qui viendront exploiter le minerai. Au bout du compte l’Etat recevra des bénéfices colossaux chaque année, la compagnie privée qui exploitera la mine fera aussi des bénéfices astronomiques. Le partage de gâteaux est déjà bien rodé. Quant à vous, vous n’aurez rien du tout. De toutes les façons l’Etat ne travaille t-il pas pour vous (or donc l’Etat ce n’est pas nous comme on nous l’a appris)? Ne sait-il pas mieux que vous ce qui est bon pour vous? Laissez donc faire l’Etat.

Ce pays ne deviendra jamais émergent sans la reconnaissance des droits de propriété des individus.
Ce pays ne deviendra jamais émergent sans la reconnaissance des droits de propriété des individus.

Dans les « bons pays » la terre n’appartient pas à l’Etat. Dans un bon pays, c’est vous qui auriez contacter des investisseurs pour venir exploiter la mine découverte sur votre terre. Dans un bon pays, L’Etat vous aurait simplement accompagné, vous fournissant l’expertise nécessaire pour trouver des financements. En retour, vous auriez payé à l’Etat des impôts et taxes relatifs à l’exploitation de votre mine. Dans un bon pays, vous seriez riches, car la terre est une richesse.

Mais ici, l’émergence annoncée semble se faire sur le dos des populations. Ce pays ne deviendra jamais émergent sans la reconnaissance des droits de propriété des individus. Tous les pays émergents sont passés par là, tous! Face aux rêves d’or de l’Etat ivoirien, il faut opposer les rêves de liberté des individus.


Classe Eco 7 : première partie du bilan économique et social de 2013

Dans #ClasseEco du samedi 21 Décembre 2013 sur Classe Fm nous avons fait le bilan économique et social de l’année 2013. Comment l’économie ivoirienne se porte t-elle? Comment évolue t-elle? Avec quels moyens et pour quels résultats? Quel impact sur nos vies? Inflation, corruption, croissance en 2013? Je recevais pour  en débattre le Dr Séraphin Prao, docteur en économie, enseignant chercheur et spécialiste de la monnaie, Landry Kuyo, juriste et manager général à Kathagena et en direct de Paris, Yves-Elysée Kra, doctorant en économie.

Samedi prochain vous pourrez suivre la seconde partie de l’émission à partir de 10h10 sur www.classe.fm

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Oh Madiba…!

Nelson Mandela
« Au cours de ma vie, je me suis entièrement consacré à la lutte du peuple africain. J’ai lutté contre la domination blanche et j’ai lutté contre la domination noire. Mon idéal le plus cher a été celui d’une société libre et démocratique dans laquelle tous vivraient en harmonie et avec des chances égales. J’espère vivre assez pour l’atteindre. Mais si cela est nécessaire, c’est un idéal pour lequel je suis prêt à mourir », Mandela, Rivonia,1964.

La nouvelle est tombée, passé le moment de stupeur, on se rend compte que nous savions tous que sa fin était proche. L’homme à vécu, il a combattu, il a vaincu la haine, les discriminations, il a tracé les sillons d’un pays libre, inspiré toute une génération de jeunes Africains. Son idéal de paix et de fraternité restera à jamais un modèle, une inspiration pour nous. Malheureusement, l’Afrique est loin d’avoir suivi la voie qu’il a initiée. Jamais notre continent n’a été aussi instable, jamais il n’y a eu autant de guerres, des discriminations économiques, de pauvreté. Maintenant qu’il est parti, que retiendrons- nous de lui passé le moment des hommages ? Retournerons-nous à nos guerres habituelles ou travaillerons-nous à une Afrique meilleure.

Nos chers présidents se fendront en hommage, saluant un grand homme, un démocrate qui quitta le pouvoir après un mandat. Un homme qui ne s’est jamais vengé des injustices qu’il avait subies.

Madiba, puisses-tu trouver la paix dans le repos éternel. Ici, nous continuerons en restant toujours fidèles à ta pensée.


Que la lumière soit!

Aujourd’hui en parcourant les artères de la capitale abidjanaise, j’ai pu constater que les préparatifs allaient bon train pour la énième fête des lumières. C’est devenu une tradition ici. Chaque année, en décembre, on pare les artères de lumières pour rendre la ville jolie. Ah les lumières d’Abidjan! J’imagine que toi aussi, tu as ton commentaire sur ces lumières.

Les débats feront rage dans les jours à venir. On verra les partisans des lumières qui diront que c’est le signe que la Côte d’Ivoire is back, que c’est joli,

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et que d’ailleurs ceux qui n’aiment pas ne sont que des jaloux, qui ne savent pas reconnaître l’originalité de cette idée lumineuse. Et puis, en face, il y aura les pourfendeurs des lumières. Eux, ils diront que cela ne sert à rien, que c’est du gaspillage d’argent et d’électricité, ils diront que d’ailleurs, ces lumières, il n’y a personne au Plateau la nuit pour les admirer. Ils ne manqueront pas de rappeler le côté obscure de la lumière, quand l’an dernier, soixante-deux personnes étaient mortes alors qu’elles étaient venues s’émerveiller devant tant de luminosité.

Aujourd’hui j’ai décidé de parler de lumière. Mais à ma façon

 ARTE / Le siècle des Lumières / La diffusion du savoir

 

En Europe, le terme Lumière fait penser à ce mouvement intellectuel lancé là bas au XVIIIe siècle ( 1715 – 1789 ) et dont le but était de dépasser l’obscurantisme et de promouvoir les connaissances. Des philosophes et des intellectuels encourageaient la science par l’échange intellectuel, s’opposant à la superstition, à l’intolérance et aux abus des États. On retient de cette période la fameuse encyclopédie de Diderot.  Chez nous jusque là les lumières n’ont produit  rien de tout ça, pas de réveil d’une société civile amorphe, pas de prise de conscience d’une population résignée, pas de presse libre. Rien…à part des morts.

Outre mer, les lumières feront penser aussi aux frères Lumière. Tu sais, ces deux frères qui ont joué un rôle primordial dans l’histoire du cinéma et de la photographie. A eux deux ils ont déposé près de 170 brevets! Ils ont lancé la commercialisation des plaques photographiques instantanées en 1881. On leur doit entre autre l’autochrome, le premier procédé industriel de photographie couleur, de médicaments tels que le « Tulle gras » pour soigner les brûlés, la thérapeutique de la tuberculose grâce aux sels d’or et à la Cryogénine, l’Allocaïne etc… Là bas, Lumière est aussi synonyme de création, de recherche, d’innovation et d’entrepreneuriat. Pour ici, avec toutes nos lumières nous sommes loin d’être éclairé. Créer une entreprise est un casse tête. Essayez de vous installer à votre propre compte, la bureaucratie et la corruption vous découragerons bien vite. La protection des œuvres des inventeurs? Non, on ne connait pas ça chez nous. Les contres façons de produits souvent dangereux sont notre quotidien. 

La question qui se pose, c’est de savoir si nous avons les bonnes lumières, celles qui libèrent les énergies, la créativité, les libertés, l’esprit et la facilité entrepreneuriale, celle d’une société civile et d’une classe politique qui éclairent le peuple sur les véritables enjeux. Voilà les lumières qu’il nous faut. Sans cela les parures lumineuses ne resteront qu’un feu de paille, qui attirent et détournent l’attention, pendant un moment. Mais un moment seulement. La beauté c’est bien, mais c’est encore mieux lorsqu’elle est utile à tous. Dans ce débat, qu’on soit pour ou contre, les uns et les autres se laissent trop souvent éblouir par ces mêmes lumières et perdent de vue ce qui compte vraiment. Alors, en attendant qu’un jour nos lumières nous éclairent et nous sortent du sous développement on ne peut que souhaiter que la lumière soit!