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Abidjan Ville Misère

Depuis ce samedi, Abidjan est dit-on devenue la ville lumière. Partout sur les grandes artères, des illuminations ont été installées et la ville brille de mille feux sous les lueurs des feux d’artifices généreusement offerts par la première dame.

S’il est vrai que ces illuminations sont belles et redonnent aux Ivoiriens l’envie de s’aventurer dehors la nuit tombée, la réalité sous les lumières n’est pas très reluisante. Beaucoup se demandent si les lumières sont la vraie priorité des Ivoiriens.

N’allons pas aussi loin. La semaine dernière, les étudiants de l’université Felix Houphouet Boigny se sont révoltés et ont entamés une grève pour dénoncer leur conditions de travail : ils n’ont pas assez de tables, les amphis pour beaucoup ne sont pas climatisés, ils n’ont pas de toilettes pour leur besoins, les tickets de restauration sont passés  de 200 f à 1.000 f  CFA, le quai des bus à été déplacé a 3 kilomètres de l’emplacement précédent (les navettes annoncées sont toujours invisibles) etc… Il faut ajouter à cela la cherté de la vie, le chômage ambiant, l’insécurité endémique, et une jeunesse perdue qui ne voit pas son horizon s’éclaircir.

Les Ivoiriens pour beaucoup comprennent mal ces lumières qui couteront quelques milliards aux contribuables. Cet argent n’aurait-il pas pu servir à autre chose ?

On me répondra : « Mais Monsieur, arrêtez d’être aigri, regardez comment les ivoiriens sont heureux, regardez Abobo la belle, taisez vous donc ».

C’est vrai que c’est beau, les lumières. Mais il y a d’autres priorités en Côte d’Ivoire. Le cas d’Abobo est emblématique, la commune la plus pauvre est la plus illuminée. Comme quoi c’est un excellent moyen de détourner l’attention des gens. Mais soyons heureux, il parait que la misère est moins pénible à la lumière. N’est ce pas…

Un dessin de roland polman


Le gouvernement une nouvelle fois hors-la-loi

Bien que président en exercice de la Cedeao, Alassane Ouattara s’apprête une nouvelle fois à violer les textes de l’organisation sous régionale, tout en sonnant le glas de la politique de décentralisation amorcée par la Côte d’Ivoire depuis quelques années. But de la manœuvre : procéder à la va-vite à des élections locales en passant outre la résolution 2062 du conseil de sécurité de l’Onu.

UN DES RESSORTS de la bonne gouvernance et du développement demeure aujourd’hui la décentralisation. Dans la plupart des pays démocratiques, ce processus s’est mis en place et consiste à transférer aux populations la gestion de secteurs essentiels pour le développement de leur localité et pour leur mieux-être. Cette déconcentration du pouvoir, dont certains domaines reposent ainsi entre les mains des élus locaux, implique de nouvelles responsabilités au niveau des communautés. C’est aussi un processus participatif qui, à partir d’une administration de proximité, motive l’intérêt des populations à la gestion de leurs localités, avec une plus grande possibilité de participation citoyenne dans les orientations et les activités qui fondent le développement local.

Le président de la République de Côte d’Ivoire qui, aux dires de son ministre de l’Intérieur, appelle de ses vœux une plus grande décentralisation, va cependant dans le sens contraire des fondamentaux même de la décentralisation.

En effet, le lundi 3 décembre 2012, le ministre de l’Intérieur soumettait à la commission des affaires générales et institutionnelles de l’Assemblée nationale deux projets de lois relatifs à la décentralisation et au code électoral.

Le premier projet de loi portant organisation des collectivités territoriales abroge toutes les dispositions antérieures contraires, notamment les lois 98-485 du 4 septembre 1998 relative à l’organisation de la région et 80-1180 du 17 octobre 1980 relative à l’organisation municipale telle que modifiée par  les lois 85-578 du 19 juillet 1985, 95-608 ainsi que 95-611 du 3 aout 1995.

La conséquence est que la commune et la région sont les deux échelons territoriaux retenus. On se retrouve là dans un schéma qui est aux antipodes de la décentralisation. De fait donc,  les départements et les conseils généraux ne sont plus des entités décentralisées. Il faut se rappeler que le président avait déjà, en 2011, créés 12 districts et les avait transformés par ordonnance en entités déconcentrées. En d’autres termes, les gouverneurs de districts sont désormais désignés par le président lui-même et placés sous un contrôle hiérarchique et non plus de tutelle. Dans le même ordre d’idées, le président Ouattara avait supprimé 1126 communes créées entre 2001 et 2010. En clair, la décentralisation à peine amorcée par la Côte d’Ivoire est piétinée au profit de la déconcentration, qui est un mode autoritaire d’organisation administrative qui peine à faire avancer le progrès.

L’argumentation du ministre de l’intérieur pour justifier ce projet de loi ne peut convaincre. Selon lui, cette nouvelle loi offre un meilleur ancrage de la démocratie. Ce qui est un non sens dans la mesure où le gouvernement dit vouloir ancrer la démocratie par la décentralisation, mais en faisant tout le contraire de la décentralisation. On ne peut pas faire de la décentralisation en transformant des entités décentralisées en entités déconcentrées. De plus, le ministre évoque un contexte difficile qui justifie selon lui, une tutelle forte de l’Etat pour éviter que les collectivités ne s’endettent. Là encore, le gouvernement prend le problème du mauvais côté, car ce ne sont pas les collectivités qui s’endettent mais l’Etat lui-même, qui a fondé depuis deux ans toute sa politique sur l’endettement et le surendettement extérieur.

Le deuxième projet de loi  présenté par Hamed Bakayoko est quant à lui relatif à la modification de plusieurs articles du Code électoral. Ainsi, il envisage de modifier les articles 120, 121, 128, 149, 150 et 157 de la loi n° 2005-514 du 1 aout 2000 portant Code électoral.

Cette modification appelle deux observations essentielles. D’abord, elle est contraire au protocole additionnel/sp1/12/01 de la CEDEAO sur la démocratie et  la bonne gouvernance. En effet, l’article 2 de ce protocole relatif au mécanisme de prévention, de gestion, de règlement des conflits, de maintien de la paix et de la sécurité prévoit qu’ «aucune réforme substantielle de la loi électorale ne doit intervenir dans les six mois précédant les élections, sans le consentement d’une large majorité des acteurs politiques». D’évidence, le président de la République n’a engagé aucune consultation avec les acteurs politiques avant de proposer ce projet de loi, et ce d’autant plus que l’opposition n’est pas représentée au Parlement. Le président de la République, qui en outre est également le président en exercice de la Cedeao, viole ainsi une nouvelle fois les textes de l’organisation sous régionale. Il avait déjà piétiné ce protocole en procédant l’année dernière à un nouveau découpage des circonscriptions législatives augmentant du coup le nombre de députés dans les communes lui étant réputées comme favorables à quelques semaines des élections.

Ensuite, cette volonté de modifier au forceps les textes en vigueur cache mal l’improvisation et la précipitation qui règnent au sommet de l’Etat relativement à l’organisation des prochaines élections locales. En effet, la plupart des articles dont la modification est proposée est relative aux délais. L’article 120 par exemple porte sur le délai de dépôt des listes de candidature ainsi que sur le délai imparti à la Cei pour publier la liste définitive. L’article 121 est relatif aux délais de contestation devant le Conseil d’Etat. Les articles 128 et 157 quant à eux portent sur les délais d’inscription sur les listes de candidatures des élections municipales.

D’évidence, le gouvernement cherche à rallonger les délais parce qu’il est bien conscient qu’organiser des élections locales dans de bonnes conditions le 24 février 2013 relève de la gageure. Les bricolages et autres rallonges ne règlent pas le problème, mais ne font qu’en retarder la survenue. Les partis d’opposition dont LIDER préconisent  depuis plusieurs mois que le gouvernement renonce à organiser coûte que coûte ces élections et qu’on prenne le temps de régler les nombreux problèmes qui sont en suspens, à savoir : le renouvellement de la liste électorale qui doit inclure tous les jeunes ayant atteint leur majorité depuis 2009, la recomposition de la Cei, la réalisation effective du désarmement et la sécurisation des biens et des personnes, la mise en place d’un statut de l’opposition et d’un financement clair et transparent des partis politiques de l’opposition parlementaire et extra parlementaire.L’ONU va dans le même sens que le parti au flambeau puisque la résolution 2062 du conseil de sécurité du 26 juillet 2012 recommande que toutes les réformes nécessaires soient faites avant la tenue des élections locales. L’ambassadeur des USA en Côte d’Ivoire, S.E. Philippe Carter III, vient également dans ce sens en exigeant une liste électorale rénovée avant la tenue de toute élection locale.

La précipitation avec laquelle le gouvernement prépare ces élections nous conduira au-devant de problèmes plus graves en 2015. Ces projets de lois, contrairement à ce que prétend le gouvernement ne va pas dans le sens de la décentralisation, bien au contraire. Ces réformes s’inscrivent dans la ligne de concentration du pouvoir entre les mains du président. Alors qu’il parle de décentralisation, le gouvernement mène une politique qui éloigne son action des populations au profit d’une bureaucratie lourde et inefficace. Les populations n’attendent pas des «dons» sporadiques du chef de l’Etat ou de son épouse. Elles attendent plutôt une plus grande liberté dans la conduite des affaires de leurs cités. Le président dans un Etat de droit ne peut pas ainsi tout faire tout seul. Cette logique est dangereuse dans la mesure où elle sape le rôle des institutions. Le ministre de l’Intérieur a tort quand il évoque la nécessité d’un Etat fort pour encadrer les collectivités. Un Etat fort n’a jamais été le moteur du développement. La liberté oui.

Personne ne semble pouvoir cependant arrêter l’hyper-président, son partenaire gouvernemental, le Pdci, lui suggérant même, par la bouche de son secrétaire général Djédjé Mady, de recourir à l’article 48 de la constitution pour adopter ces modifications, ce qui serait, soit dit en passant, parfaitement illégal. Mais l’illégalité et l’impunité ne sont-elles pas les deux valeurs les mieux célébrées par le gouvernement Ouattara ?


Pourquoi les hommes ont besoin d’être… infidèles

Dans la conscience populaire de notre société les femmes ont souvent tendance à dire que tous les hommes sont les mêmes.Quel homme ne sait jamais entendu dire alors qu’il était en pleine négociation avec une jeune fille qui se montrait un peu trop ténue :  » garçon y a pas son bon », « vous êtes même pères mêmes mères » ou encore « garçon c’est pas l’homme ».

Evidemment c’est le genre d’argument difficile a contrer dans la mesure ou son caractère général lui donne une valeur quasi véridique dans l’esprit de la gente féminine  Mais tous les hommes sont-ils vraiment des coureurs de jupons? Un ami avec qui j’en parlais me disait : « djo y a trop de bonnes petites maintenant là,il faut bien s’en occuper, ou bien? ».Vous imaginez bien que le gentleman que je suis a tout de suite essayé de le convaincre du contraire.Mais là mon très cher ami me sort le résultat d’une recherche scientifique des plus sérieuse selon laquelle si les hommes sont infidèles c’est pas vraiment de leur faute.

Selon l’étude menée par Eric Anderson, sociologue de l’université de Winchester, « les hommes ne sont pas infidèles parce qu’ils ne sont pas amoureux » mais simplement parce qu’ils ont besoin d’aller voir ailleurs.

Selon le chercheur c’est une impulsion, à peine plus contrôlable qu’une envie de chocolat, qui entraîne un sentiment de culpabilité mais n’empêche pas l’auteur de recommencer.

Maintenant on a la réponse à cette question millénaire. En fait les homme sont justes des victimes de leur nature (lol).Alors les dames, convaincues ou pas convaincues du tout? Ne faudrait-il pas libérer le régime matrimonial et légaliser la polygamie?

 


Le PPTE : entre illusion et arnaque

Depuis l’annonce de l’atteinte par la Côte d’Ivoire du point achèvement de l’initiative PPTE, (Pays pauvres Très Endettés), le constat est que de nombreuses interrogations se présentent. Beaucoup d’Ivoiriens ne comprennent pas ce que représente ce programme PPTE et ce qu’il implique concrètement pour leur pays et pour eux-mêmes.

LE PPTE EST-IL UNE ANNULATION DE LA DETTE? 

Non. C’est vrai que la communication gouvernementale officielle le laisse penser. Mais c’est un abus de langage. Selon le FMI, notre « annulation de dette » porte sur  un total de 7,7 milliards de dollars, dont 3,1 milliards pour le PPTE au sens strict du terme et 1,3 milliards pour les agences multilatérales liées au FMI, à la Banque Mondiale et à la BAD et enfin 3,3 milliards pour des États créanciers dits du Club de Paris.

Alors peut-on penser sérieusement que ces créanciers vont faire cadeaux d’autant d’argent à la Côte d’Ivoire? Surement pas surtout en période de crise.

SI LE PPTE N’EST PAS UNE ANNULATION DE DETTE QU’EST CE QUE C’EST?

Ce qu’il faut comprendre c’est que quand les états créanciers de la Côte d’Ivoire, à travers l’initiative PPTE, disent qu’ils annulent la dette, ils veulent dire par là que la Côte d’Ivoire n’aura plus à payer ce qu’elle leur doit à eux directement, en tant qu’État. Par exemple quand à travers l’initiative PPTE la France dit qu’elle annule une partie la dette de la Côte d’Ivoire cela ne signifie que la Côte d’Ivoire n’aura plus à payer cette dette à la France en tant qu’Etat. Pourtant, cette dette sera bel et bien payée.

COMMENT LA DETTE « ANNULEE » SERA T’ELLE PAYÉE?

En fait les 7,7 milliards dits « annulés » seront quand même payés aux profits de projets octroyés à des entreprises issues des États créanciers concernés. En réalité ces entreprises se partageront les 7,7 milliards au prorata de la créance du pays dont elles sont issues. Aucun pays, aussi généreux soit-il, ne peut se permettre de faire de tels cadeaux. Chaque pays créancier a positionné une liste d’entreprises qui bénéficieront, de manière indirecte, de ce paiement à travers l’octroi de marchés protégés. Notons que ces marchés sont le plus souvent surfacturés ce qui n’est pas à l’avantage des populations ivoiriennes. C’est pour cela que parler d’annulation de la dette est une mauvaise appréciation des choses car en vérité la dette publique de la Côte d’Ivoire est simplement, et habillement, transformée en dette privée. Ce n’est donc plus à la France que la Côte d’Ivoire devra payer mais par exemple à Bouygues ou une autre entreprise française positionnée par l’État français.

QUE GAGNE LA CÔTE D’IVOIRE DANS TOUT CELA?

C’est là qu’entre en jeu le Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté (DSRP). En fait, les entreprises bénéficiaires devront effectuer des travaux ou réaliser des projets allant dans le sens de la réduction de la pauvreté en Côte d’Ivoire. Le problème est que ce n’est pas la Côte d’Ivoire qui choisit les programmes que seront financés dans ce cadre. Ce sont les États créanciers eux-mêmes. Leurs entreprises ayant un souci de rentabilité avant tout leur choix sera plus guidé par la recherche de leur propre intérêt que par celui des Ivoiriens. Dans un tel contexte, d’évidence, l’allègement de la dette lié au PPTE ne servira pas à augmenter les salaires contrairement à ce qui se dit depuis quelques jours. Les créanciers ne gagnent rien à ce que les salaires augmentent en Côte d’Ivoire donc ces déclarations sont totalement illusoires.

L’idée selon laquelle l’initiative PPTE aidera la Côte d’Ivoire à remplir ses caisses de sommes colossales issues de l’annulation de la dette est fausse.

LE PPTE RISQUE MÊME D’AGGRAVER LA SITUATION DE LA CÔTE D’IVOIRE

Pourquoi? Parce que selon le mécanisme décrit plus haut, la dette publique internationale ivoirienne glisse en dette privée internationale mais demeure sur une autre ligne du budget. Notons que la Côte d’Ivoire à déjà d’autres créanciers privés qui attendent aussi le paiement de leur dette. Ce sont les créanciers du Club de Londres. Donc, à partir du moment où la Côte d’Ivoire commencera à financer de nouveaux projets (qui auront été acceptés pas les créanciers et leurs entreprises) dans le cadre du PPTE, les créanciers du Club de Londres réclameront également le paiement de leur dette. Grâce au PPTE ils deviennent eux aussi prioritaires. Ce qu’il faut craindre c’est que dès le trimestre prochain le poids réel du remboursement de la dette ivoirienne n’augmente puisqu’il faudra payer la dette privée liée du PPTE plus celle des créanciers du Club de Londres.

L’ARNAQUE ULTIME

Plus que la jubilation, c’est l’inquiétude qui s’impose car le poids de la dette en vérité augmente avec le PPTE et il faudra trouver l’argent pour rembourser. Les caisses de l’État n’étant en  bonne santé: où trouver l’argent? Le contribuable ivoirien va-t-il supporter le poids de toutes ces erreurs cumulées ?

Dans ce contexte, pour supporter la dette croissante, la Côte d’Ivoire va certainement devoir négocier de nouveaux emprunts auprès des Etats occidentaux, du FMI et de la Banque Mondiale. C’est l’effet boule de neige. On emprunte à nouveau pour rembourser des anciennes dettes, on creuse un trou pour en boucher un autre. On fonctionnera comme ça pendant 10 ou 20 ans en attendant une nouvelle initiative PPTE car la première n’aura rien changé et on sera toujours très très endetté. Toujours plus.

Ce n’est pas ainsi que l’on peut espérer l’émergence. La seule solution, c’est de sortir de l’économie de l’endettement et d’aller vers une économie de marché. Ni le PPTE ni aucun programme d’aide publique au développement ne fera le développement de la Côte d’Ivoire. Le développement a deux préalables: il faut d’une part les incitations d’un marché libre et d’autre part les institutions d’un Etat de droit. La liberté économique encadrée par de bonnes institutions est la voie la plus responsable et efficace pour construire le progrès. »

Illustration CADTM, Comité pour l’annulation de la dette du tiers monde


FNS pour l’entreprenariat jeune : des méthodes infructueuses pour le marché de l’emploi

Le jeudi 08 décembre dernier, lors de la signature d’accords entre le collectif des Centres de Gestion Agréés (CGA) et des promoteurs ayant bénéficié de son financement, le directeur du Fonds National de Solidarité (FNS) affirmait que « après huit années d’existence, le bilan diagnostic du FNS indique un faible niveau d’intervention en terme de nombre de projets financés, associé à un niveau insuffisant de recouvrement des crédits octroyés».Pour lui « la faiblesse de l’encadrement des promoteurs financés et du suivi du remboursement des crédits consentis est l’une des principales raisons pouvant expliquer une telle contre-performance ».

On convient avec lui que les fonds d’aide à l’entreprenariat jeune ont toujours été un échec. Les gouvernements ivoiriens successifs ont essayé, depuis 1953, de mettre en place des structures chargées de promouvoir l’emploi et l’entreprenariat. De l’Office de la Main d’œuvre de Côte d’Ivoire (OMOCI) créée en 1953 à l’AGEPE en 1993, de l’Office Nationale de la Formation Professionnelle (ONFP) en 1991 au programme d’Absorption des Jeunes Déscolarisés (PAJD) en 1996. S’en suivra le Projet de Redéploiement de la Formation par Apprentissage (PRFA) en 1996 puis le Fonds ivoirien pour le développement de l’entreprise nationale (FIDEN) en 1999. Depuis 2003, l’Etat de Côte d’Ivoire a mis en place le Fonds National de Solidarité (FNS)  qui montre aujourd’hui toutes ses limites. Dotés de 10 milliards de francs CFA ce fonds n’a jamais marché et apparait plutôt comme un réseau de copinage où seules les personnes proches de l’administration reçoivent leur part du gâteau.

Pourtant, le nouveau gouvernement semble être dans une logique de continuité en maintenant ce fonds. Son directeur, en lançant une nouvelle phase de distribution de crédits entend «renforcer ce dispositif opérationnel dans ses volets suivi et encadrement des promoteurs dans la phase d’exploitation de leurs activités, jusqu’à leur consolidation organisationnel et financière». Plus clairement il s’agit de plus d’interventionnisme et de réglementation de l’Etat dans le secteur de l’entreprenariat. Ce suivi que l’on pourrait qualifier de formation pourrait être intéressant pour aider l’entrepreneur à affronter la jungle administrative mais ne serait-il pas plus judicieux de simplifier cette jungle ?

Pourquoi continuer dans une voie qui manifestement est inefficace ?

La solution, selon nous, résiderait au contraire dans une déréglementation adaptée au besoin de l’entreprise et dans une libération du secteur. L’esprit d’entreprise n’est pas ce qui manque à la jeunesse ivoirienne. Il est donc urgent de limiter les obstacles créés par la réglementation et la bureaucratie. En effet la création d’entreprise est longue et compliquée en Côte d’Ivoire, alors que dans les pays les plus libres cela peut se faire en une journée. Notons que le pays est classé 170ème sur 183 en ce qui concerne la création d’entreprise au DOING BUSINESS 2011. Les études montrent d’ailleurs que la lourdeur des réglementations, des formalités administratives et des coûts liés à la création d’une entreprise ont un effet néfaste sur l’économie car elles diminuent la réactivité des entreprises, détourne les investissements, réduit l’innovation et la création d’emplois, et d’une manière générale, décourage l’entreprenariat. C’est là le nœud du problème. Donner de l’argent à des jeunes ne sert à rien puisque leur projet se heurtera inévitablement à un environnement institutionnel inadapté et à une multitude de taxes et d’impôts qui encouragent à quitter le secteur de l’entreprise formelle pour se réfugier dans l’informel.

En période de sortie de crise, il est donc impérieux de se poser les vraies questions et de changer de méthode. La dérèglementation du secteur de l’entreprenariat va libérer le talent des individus. La Côte d’Ivoire et la jeunesse ivoirienne n’attendent que ça pour déployer toute leur énergie créatrice. C’est un enjeu politique et économique incontournable quand on sait que les jeunes de moins de 35 ans représentent plus de 64% de la population avec un taux de chômage estimé à environ 25 %.


Reconstruction de la Côte d’Ivoire post-crise : Promouvoir la liberté pour émerger

L’avenir de la Côte d’Ivoire dépend de sa capacité à gérer et à résoudre les défis colossaux qui se présentent à elle après près d’une décennie de guerres.Une analyse de Mohamed Sylla.

La Liberté pour émergerLa reconstruction post-conflit se veut un système complexe qui prévoit des programmes simultanés à court, moyen et long terme destinés à prévenir l’escalade des disputes, éviter la rechute dans les conflits violents et renforcer et consolider une paix durable. En dernière analyse, elle s’attaque aux causes profondes d’un conflit et jette les fondements de la justice sociale. Les liens entre le développement, la paix et la sécurité sont devenus, au cours de la dernière décennie, l’axe central de la réflexion et de la pratique en matière de reconstruction post-conflit.

Les systèmes de reconstruction d’après-guerre requièrent un processus global de planification stratégique de la liberté qui détermine la vision d’ensemble, fixe les priorités, identifie les jalons et négocie un réseau approprié de responsabilités entre les différents acteurs intérieurs et extérieurs du système.

Construire un Etat de droit

Dans l’idée libérale, Etat de droit et développement vont de pair. Dans le cas de la Côte d’Ivoire, cette exigence est encore plus grande dans la mesure où, au-delà du développement, ce qui est jeu, c’est d’abord la construction, ou plus précisément la reconstruction. Il faut réédifier les fondements de la société ivoirienne et reformer les institutions. L’Etat de droit est d’évidence une condition sine qua non de la reconstruction, car il ne n’est pas question de rebâtir des routes ou des maisons détruites tant que les causes ayant conduit à leur démolition perdurent.

Dans la Côte d’Ivoire post guerre, l’Etat de droit n’existe plus et l’Etat tout court est lui-même en ruine. Les forces armées non conventionnelles pullulent encore dans les rues, la sécurité et la justice sont quasi inexistantes. Pour qu’un État puisse effectivement être régi par des règles, il faut qu’un certain nombre de conditions qui tiennent à la nature de l’environnement politique soient remplies. Dans l’État de droit, la contrainte est exercée conformément à des règles. Ces règles s’appliquent aux comportements des sujets de droit. Or, si la loi ne règne pas, des hommes le feront : il n’y a pas de tierce option. Qu’est-ce qui distingue dès lors l’État de droit d’un État despotique qui fonctionne par l’intermédiaire de décisions et de règles qu’il aura plu au souverain-despote de bien vouloir formuler, en violation de la Constitution même?

La restauration de l’Etat de droit apparait comme le terreau de la reconstruction. Les populations et les investisseurs étrangers ne se sentiront rassurés et prêts à engager leur patrimoine dans notre pays que s’ils ont la certitude de pouvoir bénéficier de toutes les garanties légales contre les prédateurs de toutes sortes. Les relations entre État de droit et développement ne sont plus à démontrer, une littérature abondante existant en la matière. L’État de droit permet d’adapter les réformes du système judiciaire, de manière à le rendre plus efficace et à mieux répondre aux besoins de la reconstruction de l’économie par la stimulation des investissements, la protection des contrats, la libération des populations et la garantie de transparence, notamment dans les transactions commerciales.

Le rôle de l’État de droit consiste donc à mettre en place des institutions efficaces et capables de garantir les droits de propriété, cette dernière devant être comprise comme une institution économique entrant dans le commerce. Sa protection consisterait donc à faciliter l’accès à la propriété individuelle et foncière, en rendant la terre à ses propriétaires originels. Quand on sait que les litiges fonciers on été l’un des facteurs de tension ayant conduit à la guerre, il est d’évidence urgent de prendre des mesures correctives et sortir du système selon lequel la terre appartient à l’Etat ou a celui qui la met en valeur.

Ces changements sont certes idéels mais nécessaires pour permettre de rendre la notion d’État de droit plus proche de nos réalités nationales. Lorsque les libertés sont promues, les populations acquièrent une part importante du patrimoine national.

Eviter le piège de l’aide publique extérieure et l’endettement

Depuis la fin des hostilités, la «communauté internationale» s’est précipitée au chevet de notre pays pour «aider» à sa reconstruction. Dès lors, on a assisté, à grand renfort de publicité, à des dons et autre prêts consentis par les bailleurs de fonds et les «amis da la Côte d’Ivoire». Mais il faut aller au-delà des apparences médiatiques.

Aucun pays pauvre n’a jamais réussi à se développer grâce à l’aide publique. Bien au contraire, elle encourage la corruption et est source de conflits, tout en décourageant la libre entreprise. Dans une situation de reconstruction post-guerre, le risque est encore plus grand. L’aide publique au développement a toujours eu tendance à générer une course à l’enrichissement des élites politiques, tandis que les populations, elles, s’installent dans un attentisme ingénu, attendant que l’Etat les prenne en charge. Après tout, n’ont-elles pas vu à la télévision que «les blancs ont donné de l’argent» ?

Dans les situations post crise, les gens sont tout à fait en droit d’attendre de l’aide. En économie, c’est qu’on appelle des incitations. Mais si l’on envoie aux populations de mauvaises incitations, elles auront naturellement de tout aussi mauvaises réactions. C’est pourquoi la majorité des pays subsahariens se débat dans un cycle sans fin de corruption, de maladies, de pauvreté et de dépendance, en dépit du fait qu’ils ont reçu plus de 300 milliards de dollars d’aide publique au développement depuis 1970. Il ne faut pas s’y tromper : ces aides n’en sont pas vraiment, puisqu’elles sont souvent assorties de taux d’intérêt non compétitifs et aboutissent aux monopoles de multinationales étrangères et à l’étatisme, tandem néfaste pour pays en reconstruction.

L’endettement à outrance n’offre pas de meilleures perspectives. Le gouvernement d’Alassane Ouattara a adopté le budget 2011 à hauteur de 3050,4 milliards Fcfa, dont 42% (soit 1281 milliards Fcfa) sont consacrés au remboursement du service de la dette. Le constat est clair : l’on se trouve dans un cercle vicieux où l’on contracte des emprunts pour rembourser des crédits antérieurs. La reconstruction du pays ne doit donc pas servir de prétexte à un endettement excessif, qui maintiendrait les populations dans la pauvreté et le désespoir, tout en faisant le bonheur des bailleurs de fonds.

En conclusion, la reconstruction de la Côte d’Ivoire est loin d’être une tache aisée, car il ne suffit pas simplement de rebâtir ce qui existait avant la crise. La consolidation de l’Etat de droit et une gestion responsable des ressources sont des préalables sans lesquels aucune stabilité politique et sociale n’est possible. L’audace pour la Côte d’Ivoire consisterait à procéder à un audit du compte d’opération de la BCEAO. Si l’on considère que le pays pèse pour 40% dans l’espace économique de l’Afrique de l’Ouest, l’on peut anticiper que le recouvrement des avoirs ivoiriens logés auprès du Trésor français serait une excellente plateforme de financement de la reconstruction nationale.

Publié dans l’hebdomadaire Paix et Développement du 24 Octobre 2011